Médiathèque de Bayonne
« Sur les traces de la pelote jusqu'en 1960 »; Exposition; 9 juin − 29 août 2015
Les pelotaris par Tobeen
Un été très sport !
Depuis quelques années, lors de la période estivale, la Médiathèque propose un focus sur un sport sous un prisme historique, littéraire et artistique. Après le rugby (2007), le vélo (2010), la tauromachie (2012), le surf (2014), nous vous invitons à (re)découvrir le monde de la pelote.
Grâce aux nombreux livres, photographies, cartes postales, affiches, dessins, gravures, complétés de presse locale, tous documents issus de nos collections - près d’une centaine sont présentés - revivez l’histoire de ce jeu devenu sport, admirez ses joueurs, héros légendaires, retrouvez ses « temples », identifiez ses instruments.
La pelote a inspiré de nombreux artistes et écrivains : de Tillac ou Tobeen à Daragnès, d’Harispe ou Elissague à Loti, tous ont exprimé leur passion pour la pelote, sport emblématique du Pays basque.
Cette exposition patrimoniale, complétée des panneaux didactiques et d’objets mis à disposition par la Ligue de pelote du Pays basque, et enfin d’une exposition photographique de Cédric Pasquini à la médiathèque Sainte-Croix, sont ouvertes à la visite du 9 juin au 29 août.
Pendant cette même période, un café histoire, un café art, une table ronde, une conférence, des démonstrations et des ateliers ponctueront votre été.
Isabelle Blin, conservateur en chef
Un peu d’histoire
Héritière des traditionnels jeux de paumes, la pratique de la pelote basque se développe, précise son fonctionnement et s’organise dans la seconde partie du XIXe siècle. Si le nom désigne en fait plusieurs types de jeux, différents selon les instruments utilisés, les terrains et les règles, il renvoie cependant toujours à une pratique tout à la fois sportive et culturelle, profondément ancrée dans la tradition et l’identité basques.
Ainsi, dans presque tous les villages, la place principale (« plaza ») est aussi le terrain où la pelote se joue (« cancha »). Les parties sont des moments de sociabilité, qui rythment la vie des communautés.
Pendant la Troisième République, cette véritable institution qu’est la pelote basque devient un enjeu du conflit d’influence entre l’Église et l’État qui tentent d’encadrer et de promouvoir sa pratique, organisant des clubs et des compétitions.
« Parmi nos symboles traditionnels la Pelote est à coup sûr le plus clair et le plus vivant. Devant le mur où se fixent les regards, le temps avec ses contradictions et avec ses ruptures est aboli : le présent et le passé se confondent. Oui, vraiment, nous prenons conscience de nous, de notre durée. ». (Abbé Bordachar, 1926).
Dans la société basque, les pelotaris (ou pilotaris en basque) occupaient une place privilégiée dès le XVIIe siècle, comme en témoignent deux stèles discoïdales datant de 1629 et 1784 où des symboles de la pelote basque sont gravés. (ci-contre, stèle de 1784, issue de La tombe basque, de Louis Colas, où l'on remarque une pala sous la date)
C'est également à la fin du XIXe siècle que se prépare un autre grand bouleversement dans l'histoire de la pelote avec l'avènement du caoutchouc. Le jeu indirect, à blaid1, jusqu'alors peu pratiqué, prend une telle ampleur qu'il éclipse pendant quelques années les jeux plus traditionnels. Malgré l'interdiction peinte sur les murs de rebot2, les jeunes pelotaris3, combinant le chistera d'osier4 et la pelote5 à noyau en caoutchouc, subliment cette forme de jeu indirect. Cette véritable révolution scandalise les anciens. Elle est menée par une nouvelle génération de joueurs qui, à partir de 1880, propulsent la pelote basque hors des frontières du Pays Basque.
Stèle funéraire
1 Pelote basque pratiquée contre un mur (jeu indirect par opposition aux jeux directs où les joueurs se font face, comme au laxoa ou au rebot)
2 Ce jeu se joue en plein air sur un fronton en place libre. Il oppose deux équipes de cinq joueurs qui se font face de part et d’autre d’une ligne
tracée qui délimite deux camps inégaux...
3 Joueurs de pelote
4 Gant de cuir prolongé par un panier en osier de forme courbe et allongée
5 Balle ronde, différente selon les spécialités jouées et selon les instruments.
À partir de 1880, l'installation de 80 000 Basques en Amérique du Sud entraîne la construction de frontons dans tous les villages. Dans le même temps, d'autres Basques émigrent vers les Antilles, Cuba, Saint-Domingue et les pays d'Amérique centrale comme le Mexique et le Venezuela. Aujourd'hui tous ces pays possèdent une fédération et participent, à des degrés divers, aux compétitions mondiales.
À cette même période, rien n'est encore codifié, la tradition orale est la règle : les équipes se mettent d'accord avant le match sur le poids des pelotes. Le défi entre joueurs de différents villages – et les parties à l'occasion des fêtes locales, servent de compétition.
Au début du XXe siècle, en 1912, le congrès des pelotaris soumet l'idée d'une fédération de pelote basque. Celle-ci aura pour objectif de développer, de diriger, et de réglementer ce sport en France. Après 1918, la pelote est en pleine décadence, due à l'hécatombe des jeunes gens et à la misère des campagnes, suite à la Grande Guerre, mais aussi à l'anarchie de la pratique.
Durant l'Entre-deux-guerres, le jeu se transforme en sport et coup sur coup sont créées dans les années 20, la Fédération Française de Pelote Basque (FFPB) et la Fédération Internationale de Pelote Basque (FIPV).
La fédération de pelote qui va s'efforcer de constituer ce jeu en sport, d'homogénéiser les règles, le poids des pelotes, de diminuer la durée des parties, est organisée par un homme politique de la droite conservatrice, Jean Ybarnégaray, et par des prêtres basques qui ont considérablement transformé les moeurs. Dans un premier temps la pelote possédera une idéologie très conservatrice avec des tendances xénophobes, comme en atteste l'allocution de Pierre Lhande prononcée à l'église de Mauléon en 1923, en prélude aux fêtes de la fédération de pelote, l'équivalent du championnat de France. « Un jeu national n'est pas un divertissement quelconque. C'est une manifestation du ressort physique et moral d'une race, c'est la révélation éclatante de tout ce qu'un peuple renferme de fort dans sa beauté plastique, de sain dans sa beauté morale. Le jeu national traduit l'énergie, l'endurance, la grâce de la nation. (…) C'est l'Angélus. Aussitôt, la balle expire dans le berceau du gant d'osier. Le bras tendu dans un effort menaçant s'abaisse désarmé, et cet homme qui tout à l'heure n'a pas condescendu aux bravos jusqu'à saluer obséquieusement la foule, comme ferait un ténor d'opéra, cet homme qui ne se découvre que devant son Dieu vient d'abattre son béret. Il prie. Il prie comme il a joué tout à l'heure, sans forfanterie et sans phrase, noblement, simplement. »
(Gure Herria, octobre 1923, « Notre jeu national » par Pierre Lhande).
Le 3 janvier 1921, c'est le député Jean Ybarnegaray qui crée à Bayonne la Fédération Française de Pelote Basque (FFPB). Depuis 1921 la pelote basque est dirigée par une fédération qui regroupe l'ensemble des ligues régionales.
C'est certainement au travail de réglementation de la FFPB que l'on doit en partie le renouveau de la pelote.
Les jeux olympiques se déroulent à Paris en 1924, et la pelote est alors retenue comme sport de démonstration (comme en 1968 à Mexico et en 1992 à Barcelone...)
La pelote s'est disséminée à partir de son territoire naturel, le Pays basque, dans toute la France. Le Béarn et le sud des Landes proches, connaissent la plus grosse activité. Ensuite viennent deux métropoles : Bordeaux et Toulouse ; Paris enfin, et des pôles autour de Lille, de Nice et Cannes. Ajoutons l'île de la Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon et la Nouvelle-Calédonie, qui, malgré leur éloignement participent aux championnats de France.
La Confédération Espagnole est créée en 1925. Le 19 mai 1929, Jean Ybarnégaray signe le « protocole de Buenos Aires », qui est la marque de la Fédération Internationale de Pelote Basque (FIPV). Près d'une vingtaine de pays y adhèrent (France, Espagne, Argentine, Uruguay, Mexique, Philippines, Cuba, Italie, Chili, USA, Bolivie, Venezuela, Brésil, Guatemala, Indonésie, Maroc, Pérou, Colombie, Belgique, Équateur, Panama, ... ). Les statuts sont adoptés le 2 mars 1930 à Espelette, par les représentants de la France et de l'Espagne. (Voir photo ci-dessous). Le siège de la FIPV est à Pampelune depuis 2003. Aussitôt fondée, la Fédération Internationale reste en sommeil jusqu'en 1945, en raison de la guerre d'Espagne et de celle de 1939-1945. Les contacts sont repris fin 1945, avec la tâche énorme de réglementer les jeux, les aires, le matériel utilisé, ainsi que d'unifier les règlements et l'organisation des championnats du monde. Ces derniers ont lieu la première fois en 1952 à Saint-Sébastien. En 1958 ont lieu à Bayonne-Biarritz-Hossegor, des championnats du monde de pelote (Le Républicain du Sud-Ouest daté du 05 septembre 1958). |